Ce document explique les principales spécificités du contrat de prestation de services en Tunisie, en s’appuyant sur le Code des Obligations et des Contrats (COC, promulgué par la loi n° 66-012 du 12 décembre 1966, modifié), le Code des Droits et Procédures Fiscales (CDPF, modifié par la loi de finances pour 2025, loi n° 2024-028 du 28 décembre 2024) et les dispositions de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour les travailleurs indépendants, notamment le décret n° 2025-012 du 15 janvier 2025 fixant les cotisations.
Il couvre les aspects essentiels tels que la définition et les principes, l’établissement du contrat et les obligations des parties, les obligations fiscales et sociales, les modalités de rupture et les procédures associées. Ces informations reflètent la législation en vigueur au 17 septembre 2025.
1. Définition et Principes du Contrat de Prestation de Services
Le contrat de prestation de services est un accord civil ou commercial par lequel un prestataire indépendant (freelance, consultant, auto-entrepreneur ou entreprise individuelle) s’engage à fournir une prestation intellectuelle, technique ou matérielle à un client (bénéficiaire), en échange d’une rémunération, sans lien de subordination.
Contrairement aux contrats de travail (CDI ou CDD), régis par le Code du Travail tunisien (modifié par la loi n° 9-2025 du 21 mai 2025), ce contrat relève du Code des Obligations et des Contrats (articles 1762 et suivants), qui le qualifie de louage d’ouvrage ou de services.
Il est qualifié de contrat d’entreprise où le prestataire assume les risques liés à l’exécution et utilise ses propres moyens. Les principes clés incluent la liberté contractuelle (article 1108 du COC), l’obligation de résultat ou de moyens selon la nature de la prestation, et l’interdiction de clauses abusives.
Le contrat doit être établi par écrit pour éviter les litiges, avec des éléments essentiels : identité des parties, description précise de la prestation, durée (déterminée ou indéterminée), rémunération (fixe, horaire ou au résultat), modalités de paiement, clauses de confidentialité, non-concurrence et responsabilité.
La loi n° 9-2025 interdit les contrats de prestation masquant une sous-traitance abusive de main-d’œuvre (article 30 bis), sous peine de sanctions pénales (amende de 1 000 à 5 000 TND et jusqu’à 6 mois de prison en récidive).
Les prestataires indépendants doivent être immatriculés au Registre National des Entreprises (RNE) via l’Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation (APII), obtenir un Numéro d’Identification Fiscale (NIF) auprès de la Direction Générale des Impôts (DGI), et, pour les activités libérales, s’inscrire à l’ordre professionnel concerné.
Tout contrat masquant une relation salariale (subordination, horaires imposés) peut être requalifié en contrat de travail par les tribunaux, entraînant des sanctions fiscales et sociales.
2. Établissement du Contrat et Obligations des Parties
L’établissement du contrat repose sur le consentement libre et éclairé des parties (article 1109 du COC). Il doit être rédigé en arabe ou en français, avec une copie pour chaque partie. Les obligations contractuelles sont bilatérales :
Obligations du prestataire : Fournir la prestation convenue avec diligence, loyauté et dans les délais impartis (article 1763 du COC). Il doit respecter les normes professionnelles, assurer la confidentialité des informations du client, et indemniser en cas de faute (dommages-intérêts). Pour les prestations intellectuelles (conseil, développement logiciel), l’obligation est souvent de moyens ; pour les travaux matériels, elle est de résultat. Le prestataire gère ses propres outils, locaux et horaires, et assume les risques (assurances obligatoires pour certaines activités, comme la RC professionnelle).
Obligations du client : Payer la rémunération convenue (article 1764), fournir les informations et moyens nécessaires à l’exécution (accès à des données, par exemple), et collaborer loyalement. En cas de paiement échelonné, des pénalités de retard (taux légal de 5 % par an) s’appliquent si stipulées. Le client peut contrôler l’avancement sans imposer une subordination, sous peine de requalification.
Des clauses spécifiques incluent la propriété intellectuelle (transfert des droits au client si prévu), la résiliation anticipée, et les pénalités pour non-exécution. Pour les prestataires étrangers, un visa de travail ou un permis de séjour est requis si la prestation implique une présence physique en Tunisie, conformément à la loi sur l’immigration.
3. Obligations Fiscales et Sociales
Les prestataires indépendants ne bénéficient pas des avantages salariaux du Code du Travail, mais doivent respecter des obligations fiscales et sociales autonomes.
Obligations fiscales : Déclaration des revenus via le régime réel ou simplifié (impôt sur les revenus des personnes physiques, IRPP, à 20-35 % sur les bénéfices pour les résidents, selon les tranches). La TVA (19 %) s’applique si le chiffre d’affaires excède 100 000 TND par an ; sinon, exonération possible. Les factures doivent inclure le NIF, la description de la prestation, le montant HT et TTC, et être émises mensuellement. Le client retient à la source l’IRPP (15 % pour les non-résidents, 10 % pour les prestations locales selon la loi de finances 2025) et la verse à la DGI dans les 15 jours suivant le paiement. Des pénalités (jusqu’à 50 % du montant dû) s’appliquent en cas de non-déclaration. Pour les auto-entrepreneurs (statut simplifié, CA <75 000 TND), un impôt synthétique libératoire à 5 % sur le CA est disponible.
Obligations sociales : Affiliation obligatoire à la CNSS pour les indépendants (cotisation de 14,71 % sur les revenus, répartie en classes de revenus, avec un minimum trimestriel de 1 000 TND pour la classe la plus basse à partir du 2ème trimestre 2025, couvrant retraite, maladie et accidents). Pas de congés payés, maternité ou chômage comme pour les salariés, mais possibilité d’assurances privées. Le prestataire gère ses propres déclarations trimestrielles et paiements. Pour les clients étrangers, des conventions fiscales bilatérales (ex. : avec la France) évitent la double imposition.
Aucune cotisation patronale n’est due par le client, contrairement aux contrats salariaux, mais une vigilance est requise pour éviter la requalification (critères : absence de subordination, facturation indépendante).
4. Modalités de Rupture du Contrat
La rupture d’un contrat de prestation de services doit respecter les clauses contractuelles et les principes du COC pour éviter des sanctions, telles que des dommages-intérêts.
Le contrat prend fin automatiquement à l’expiration de sa durée ou à l’accomplissement de la prestation, sans préavis requis si non stipulé. Pour les contrats à durée indéterminée, un préavis raisonnable (généralement 15 à 30 jours) est nécessaire, sauf clause contraire.
La rupture anticipée est possible pour : faute grave (non-exécution, violation de confidentialité), force majeure (événements imprévisibles comme une catastrophe naturelle), ou accord mutuel (article 414 du COC). En cas de faute du prestataire, le client peut résilier sans indemnité et réclamer des dommages ; inversement, pour faute du client (non-paiement), le prestataire peut exiger le paiement intégral et des intérêts.
Aucune indemnité de fin de contrat n’est obligatoire, sauf si prévue (ex. : clause de dédit). En cas de litige, le tribunal apprécie la bonne foi (article 1134 du COC).
5. Procédures Spécifiques et Cas Particuliers
En cas de litige, une tentative de conciliation amiable est recommandée ; sinon, saisine du tribunal de commerce ou civil compétent (délai de prescription : 5 ans pour les obligations contractuelles).
Pour les prestations internationales, la loi applicable est celle choisie par les parties (clause de choix de loi), avec juridiction tunisienne par défaut si exécution en Tunisie.
Cas particulier des auto-entrepreneurs : Immatriculation simplifiée via le Registre National des Auto-Entrepreneurs (RNAE), régime fiscal allégé (impôt synthétique à 5 % sur le CA si inférieur à 75 000 TND). Pour les secteurs réglementés (santé, ingénierie), des autorisations spécifiques sont requises. En cas de sous-traitance, le contrat doit préciser les responsabilités en cascade, sans violer l’article 30 bis du Code du Travail.
La pandémie ou les instabilités politiques peuvent invoquer la force majeure, suspendant les obligations sans rupture automatique.
6. Conclusion
Le contrat de prestation de services en Tunisie offre une flexibilité aux employeurs pour engager des indépendants sans les contraintes salariales, tout en imposant des obligations claires en matière contractuelle, fiscale et sociale, favorisant des relations équilibrées et conformes.
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Ce document ne constitue pas un conseil juridique et offre une explication générale des dispositions du droit tunisien. Toute personne ou entreprise confrontée à des doutes ou des questions spécifiques doit consulter un conseil juridique qualifié. Kernel n’a pas vocation à fournir des conseils juridiques.